Enfin cesser de me désirer ailleurs.



Je suis de retour à Tréminis, les nuages font du rase-moquette sur les bébés montagnes.
Le soleil filtre quelquefois en illuminant le vert tendre et le vert sombre de la forêt qui dévale la pente.
J'ai la savoureuse sensation de respirer à nouveau.
Le silence des humains me fait dire que je suis à nouveau chez moi.
J'entends la rivière.
J'entends les oiseaux. J'entends le pic.
J'entends mes pas.
Dans ces espaces où rien ne semble se passer, j'ai l'impression d'entendre le monde respirer.
L'immensité des paysages ici m'ancre instantanément. Je ne saurais vraiment l'expliquer.
Je pourrais être un arbre parmi les arbres, un brin d'herbe parmi les brins d'herbes. Je me sens appartenir à cette terre.
J'ai un sentiment profond d'être déjà venue ici mais ça n'a pas eu lieu dans cette vie, je m'en souviendrais...
Chaque nouveau lieu que je rencontre me semble si familier.
Sentir et ressentir, je pourrais bien avoir rien d'autre à faire ici et cela pourrait suffire.
Mon instinct primal s'active.
Cartographier le territoire et la nature nourricière. Où sont les plantes, où sont les racines, où sont les champignons comestibles, où sont les sources, où sont les lieux les plus symboliques, les gros rochers, les arbres majestueux, les lieux chargés.
Mon instinct sauvage s'active. Je parcoure la forêt inlassablement.
Identifier les chemins, reconnaître les essences, connaître la fréquentation du lieu, ses autres habitants, bipèdes et non bipèdes, me repérer sur les sentiers et les sentes d'animaux, observer les saisons s'écouler, les plantes qui se renouvellent du printemps à l'été, de l'été à l'automne et de l'automne à l'hiver.
Mon enfant intérieur s'active aussi, c'est l'émerveillement à chaque instant. La joie de griller une clope nature, tirer sur un brin d'herbe sans l'allumer et faire semblant. Chercher des empreintes et toucher des branches hautes avec un bâton.
Et puisque je suis ultra sensible à la beauté, qu'elle soit toute proche de moi, dans mon environnement restreint, ou dans l'environnement plus large, le village où je vis, la région où je vis, le territoire où je vis, c'est peu dire qu'à Tréminis je suis comblée, de l'infiniment petit que je sais très bien observer et devant lequel je m'arrête volontiers, jusqu'à la montagne qui s'assoit ici, le Grand Ferrand avec ces deux yeux anguleux, son long nez et son petit sourire en coin, on dirait Grand-Mère Feuillage. C'est Grand-Mère Montagne. Et les plafonds d'étoiles sont juste incroyables.
Gratitude infinie d'un cœur expandu.
Cela fait une quinzaine de jours que je parcoure certains coins de France que j'ai déjà vus, un peu de Sarthe, un peu de Normandie, un tout petit peu de Bretagne et un peu des Pays de Loire et c'est enfin ici que je respire.
Non pas que les autres lieux ne sont pas bien, évidemment, j'ai vu la mer et sa côte sauvage, j'ai vu tous ces gens que j'aime, mais ici c'est là que je me sens vivre.
J'ai enfin "cessé de me désirer ailleurs". J'ai trouvé l'endroit rêvé pour ressentir la vibration du monde.


Tréminis, le 26 aout, vers le petit bois

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